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Classement mondial de RSF 2025 : la précarité économique, nouvelle menace majeure de la liberté de la presse

« La principale menace à la liberté de la presse n’est plus uniquement la violence ou la censure : c’est désormais la précarité économique des médias », a alerté Sadibou Marong, directeur du bureau Afrique subsaharienne de Reporters sans frontières (RSF), en marge de la publication du Classement mondial de la liberté de la presse 2025. Les médias sont aujourd’hui pris en étau entre la garantie de leur indépendance et leur survie économique. À en croire M. Marong « quand les médias sont asphyxiés financièrement, ils ne peuvent pas résister aux logiques de désinformation, ni aux pressions politiques et économiques ».

Le rapport de RSF rendu public ce vendredi 2 mai, dresse un état des lieux sans équivoque: « dans 160 des 180 pays évalués, les médias ne parviennent pas à atteindre une stabilité financière. Pire encore, dans un tiers des pays, des rédactions ferment régulièrement. Les cas de la Tunisie (129e, -11 places), de l’Argentine (87e, -21), ou des États-Unis (57e, -2) illustrent cette dégringolade structurelle, où la course à la rentabilité remplace progressivement la quête de vérité. »

Pour Anne Bocandé, Directrice éditoriale de RSF, « garantir un espace médiatique pluraliste, libre et indépendant nécessite des conditions financières stables et transparentes. Sans indépendance économique, pas de presse libre. Quand les médias d’information sont fragilisés dans leur économie, ils sont aspirés par la course à l’audience, au prix de la qualité, et peuvent devenir la proie des oligarques ou de décideurs publics qui les instrumentalisent. Quand les journalistes sont paupérisés, ils n’ont plus les moyens de résister aux adversaires de la presse que sont les chantres de la désinformation et de la propagande ».

« Il convient de restaurer une économie des médias qui soit favorable au journalisme et qui garantisse la production d’informations fiables, une production nécessairement coûteuse. Des solutions existent, elles doivent être déployées à grande échelle. L’indépendance financière est une condition vitale pour garantir une information libre, fiable et au service de l’intérêt général », a-t-elle souligné.

Le défi principal reste la viabilité économique des organes de presse

En Afrique, les défis sont multiples : fragilité économique, pressions politiques, manque de régulation efficace. Sadibou Marong s’inquiète particulièrement de « la concentration de la propriété des médias entre les mains d’acteurs proches du pouvoir ou du monde des affaires, un phénomène qui gangrène l’indépendance éditoriale ». Le rapport mentionne que dans plus de la moitié des pays africains, les journalistes travaillent dans « un environnement hostile à l’indépendance de la presse, souvent contraints à l’autocensure ou à l’exil. »

Le Sénégal occupe la 74e dans le classement, il gagne 20 places grâce à des réformes amorcées par les autorités. « Il y a un regain d’espoir avec les engagements récents en faveur d’un cadre plus protecteur pour les journalistes. Si l’on ramène ce classement à un contexte plus africain, on se rend compte que le Sénégal a gagné 20 places par rapport à l’année dernière. Ce qui n’est pas négligeable. Il occupe désormais la 15ᵉ place en Afrique, derrière des pays comme l’Afrique du Sud, la Namibie, le Cap-Vert, la Gambie et la Côte d’Ivoire. Si l’on considère l’espace CEDEAO, le Sénégal se classe 7ᵉ. On remarque que des pays traditionnellement bien positionnés, comme le Cap-Vert, le Ghana, la Gambie récemment et la Côte d’Ivoire, sont juste devant lui », estime M. Marong, tout en appelant à une mise en œuvre concrète.

Mais il prévient : « Le défi principal reste la viabilité économique des organes de presse. Sans un plan d’appui structuré, l’indépendance ne pourra être garantie sur le long terme. Dans plus de 85% des pays, les médias ne parviennent pas à atteindre une stabilité financière. Plus grave encore, dans près d’un tiers des nations, ils sont contraints de fermer .»

Le rapport souligne également le rôle néfaste des GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft), qui captent l’essentiel des revenus publicitaires. En 2024, les dépenses publicitaires sur les plateformes sociales ont atteint 247,3 milliards de dollars(soit plus de 103 841 913 730 415 FCFA) , en hausse de 14 % par rapport à 2023, au détriment des médias d’information traditionnels. Cette captation, associée à une concentration croissante de la propriété des médias dans de nombreux pays, met en péril le pluralisme.

Anne Bocandé, directrice éditoriale de RSF, va dans le même sens : « Sans indépendance économique, pas de presse libre. Il faut restaurer une économie des médias qui permette une information fiable et de qualité. » Elle appelle à des politiques publiques transparentes, à des aides équitables et à la régulation des plateformes pour inverser cette spirale.

À l’échelle mondiale, le recul est massif. Le score moyen des pays passe pour la première fois sous les 55 points, basculant dans la zone “difficile”. Plus de 112 pays voient leur score régresser. Et dans 42 d’entre eux, représentant plus de la moitié de la population mondiale, la situation est désormais jugée « très grave ».

Face à cette situation, Sadibou Marong plaide pour « une mobilisation générale, tant au niveau national qu’international, pour repenser le modèle économique des médias, renforcer les protections juridiques et garantir un accès équitable aux financements publics et privés ». Il conclut : « Défendre la presse aujourd’hui, c’est défendre la démocratie et le droit des citoyens à une information fiable. »

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