L’immunité parlementaire permet d’assurer au député d’exercer librement son mandat, et par conséquent de garantir le bon fonctionnement de l’Assemblée Nationale.
Elle est une garantie traditionnelle accordée aux parlementaires, pour protéger les représentants du peuple contre des poursuites fallacieuses qui auraient pour but de les empêcher de remplir leur mandat.
Cette garantie est inscrite dans la Constitution du Sénégal (article 61) et au niveau du Règlement Intérieur de l’Assemblée Nationale ( article 51).
Ainsi il est nécessaire de lever l’immunité parlementaire d’un député pour pouvoir le poursuivre lorsque l’infraction (crime ou délit) pour laquelle elle est poursuivie n’est pas flagrante.
Une autorisation devra être obtenue si une poursuite est envisagée à l’encontre du parlementaire. Cette autorisation est demandée au Président de l’Assemblée Nationale par le Garde des sceaux, ministre de la justice, sur requête du parquet.
A cet effet, l’Assemblée Nationale met en place une commission ad hoc chargée d’examiner la demande de levée de l’immunité parlementaire.
Il est admis, que l’Assemblée nationale n’apprécie pas le bien fondé des griefs, mais se limite à apprécier des caractères « sérieuse, loyale et sincère » de la demande car elle n’est pas une juridiction de jugement
Dès lors les questions qui méritent d’être posées sont les suivantes :
1. Qu’est-ce qu’une demande sérieuse, sincère et loyale ?
2. Qui a la compétence à apprécier le caractère sérieux, sincère et loyal ?
La loi ne donne pas une réponse à cette question. Cependant pour la doctrine s’accorde à dire que la demande est sérieuse dès l’instant qu’elle repose sur des faits pouvant constituer un crime ou de délit imputable au député, et est sincère, si elle n’est pas fondée sur les considérations politiques.
Selon la jurisprudence l’Assemblée nationale, saisie par une demande de levée d’immunité parlementaire, peut faire porter son examen sur les conclusions de la commission ad hoc mis en place à cet effet, dans la mesure où la levée de l’immunité parlementaire relève de la compétence exclusive de l’Assemblée nationale qui doit se prononcer sur le caractère sérieux, loyal et sincère de la demande de levée d’immunité parlementaire qui lui est présentée, au regard des faits sur lesquels cette demande est fondée et à l’exclusion de tout autre objet(Conseil Constitutionnel, Décision n° 62-18 DC du 10 juillet 1962).
On peut affirmer alors que c’est l’Assemblée Nationale qui apprécie le caractère sérieux, loyal et sincère de manière souveraine, selon son intime conviction.
Par conséquent, je pense qu’elle peut valablement considérer comme sérieuse la demande de levée de l’immunité parlementaire du Procureur de la République financier, transmise à l’Assemblée nationale par le Ministre de la Justice le 10 janvier 2025, car elle vise les numéros de rapport de la Cellule nationale de Traitement des Informations financières (CENTIF) qui concernent le député Mouhamadou Ngom dit Farba, si on sait que les rapports de la CENTIF lient le procureur (loi de 2004 sur le blanchissement des capitaux).
Le CENTIF étant un organe de contrôle, on peut aussi présumer de la sincérité de sa demande formulée au Parquet financier.
Parallèlement, la remise du dossier complet, objet de la demande pouvait se faire par souci de transparence mais surtout pas un souci de cohérence par rapport à leur prise de position dans l’affaire Ousmane Sonko vs Adji Sarr.
Babacar Guèye MBAYE.
Juriste.