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Contribution : Élections Primaires : à quand le débat dans nos partis? par Lamine Aysa Fall

« À une époque, le leadership résidait dans les muscles. Aujourd’hui, il réside dans la façon de traiter les gens ». (Mahatma Gandhi[1])

Les élections territoriales du 23 janvier 2022 marqueront à jamais l’histoire de notre pays et de sa démocratie. A quelques mois seulement de ces joutes, la problématique de la représentation dans nos collectivités territoriales se pose avec la plus grande acuité au sein des chapelles politiques. Poser sa candidature doit être une formalité allégée permettant à tout citoyen qui le désire, de le faire en toute responsabilité. Mais la réalité dans le champ politique se déroule d’une toute autre manière. Candidater à la candidature est un formidable exercice qui consiste à manifester son souhait de briguer une magistrature, qu’elle soit locale ou « suprême ». C’est aussi une période cruciale durant laquelle les partis en lice décident quelles personnes figureront sur les listes en tant que leurs candidats officiels : ce n’est pas de « l’amusement ». C’est de l’ordre de l’engagement total et entier, adossé à l’intime conviction, et un tel acte relève d’un formidable paradoxe : celui de l’humilité et de l’outrecuidance. Entre le droit de sollicitation des suffrages et le mérite de les obtenir, se dresse le leadership, la carrure, la finesse et l’opportunité d’une candidature. Or, certains militants de l’Alliance pour la république (APR) sont en train de passer maître dans l’art d’être candidat à tout. C’est devenu la mode, les déclarations de candidature sont devenues tellement banales et biaisées qu’elles peinent à convaincre. A Thiès par exemple, on ne compte plus les candidatures déclarées au sein de l’APR.

Dès lors, n’est-il pas venu le temps d’alimenter un débat sain et serein sur la nécessité d’organisation d’élections primaires au sein des partis politiques pour choisir les représentants ?

Dans toutes les Communes du pays, l’on se pose déjà la même question : qui sera candidat à la mairie ou au département ? Et la presse, complice de cette machination sordide relaye en construisant des profils-types sur la base des candidatures déclarées. Toutefois, avec toutes les candidatures possibles qui stratégiquement attendent, chacune selon sa propre logique, les réponses objectives ne seront connues aux alentours du 05 novembre 2021, possible date line pour le dépôt des listes de candidats, aux élections locales. En effet, selon la Code électoral «les dossiers de candidatures sont

[1] Mohandas Karamchand Gandhi, important guide spirituel de l’Inde et du mouvement pour l’indépendance de ce pays

déposés, avec bordereau de dépôt, à la Préfecture auprès d’une commission instituée par arrêté, quatre-vingt (80) jours au moins et, quatre-vingt-cinq (85) au plus avant la date du scrutin, par le mandataire soit du parti politique légalement constitué, soit de la coalition de partis politiques légalement constitués soit de l’entité regroupant des personnes indépendantes qui ont soutenu les candidats »[1] 

Mais le temps de l’homme politique n’est pas celui de l’horloger, et les grandes tractations souterraines ont déjà commencé. Et la campagne électorale avant l’heure bât déjà son plein. A Thiès nord où notre responsabilité socio-politico-culturelle n’est plus à démontrer, quelques prétendants ont officialisé leur candidature à la candidature pour la conquête de la mairie. Dans ce schmilblick dont seuls les plus grands manipulateurs ont le secret, les plus futés aiguisent leurs armes et laissent venir. Mais, jusqu’ici, aucun candidat, qu’il soit déclaré ou possible, avoué ou tu, ne compte abandonner son sort à l’organisation d’éventuelles primaires. En tous les cas, la question du choix des candidats s’invite et s’impose comme mode opératoire légitime. Primaires ou désignation ? Le moment est venu de vider ce problème, et les avertissements du Président de la Coalition Benno Bokk Yaakaar (BBY) n’y feront rien. Le Président Macky SALL ne sera pas candidat et qui plus est, n’aura aucune prise réelle sur ceux qui n’auront pas joui de son pouvoir décrétal. Et autant nos crachats ne pourront pas atteindre le bel oiseau vol[2], autant les futurs « rebelles » de BBY ne se sentiront pas liés par d’éventuelles sanctions présidentielles.

La validation de candidature doit obéir à un processus participatif, inclusif et solidaire, associant l’ensemble des militants d’un parti ou d’une coalition de partis, sur la base de leurs propres règles et procédures internes de fonctionnement. Au niveau actuel de notre démocratie, nous devons plutôt parler d’un processus de « mise en candidature » par lequel une commission autonome, installée à cet effet au sein de chaque parti ou coalition, serait habilitée à organiser par le vote, la sélection des candidat. Une telle commission se verrait confier les charges de vérification de l’éligibilité des candidats et de leur approbation, ainsi que de leur place sur les bulletins de vote.

[1] Article L.244 de la Loi n°2017-12 du 18 janvier 2017 portant Code électoral

[2] Allusion faite au vieux proverbe « la bave du crapaud n’atteint pas la blanche colombe »

Bien entendu, il faut installer un filtre pour éviter aux électeurs le syndrome de 2017, avec la multiplication des listes[1]. Pour les locales de janvier 2022, qu’on se le tienne pour dit ! Compte tenu des velléités de dissidence à l’Alliance pour la République avec leur corollaire de listes parallèles, l’électeur pourrait se retrouver facilement débordé par les imprimés, au moment de faire son vote. Parce que des milliers de personnes pourraient se présenter comme candidats, et il serait impossible aux électeurs de faire un choix judicieux et éclairé parmi elles. En tant que parti au pouvoir, l’Alliance pour la République (APR) doit prendre les devants en se donnant les moyens de jouer le rôle de tamis utile et nécessaire en ramenant la liste des candidats à une proportion assez réduite. Tout le monde s’accordera sur ce choix d’organiser dans chaque localité, au sein de notre « famille politique» Benno Bokk Yaakaar, des primaires afin de désigner les candidats légitimes. Ceci, par extension, n’importe quel parti politique pourra se l’appliquer. Notre grande coalition BBY ne devrait même pas attendre que le législateur inscrive cette disposition novatrice dans le code, pour se l’appliquer. La raison conduisant à cette prise de décision est perceptible dans toutes les coalitions à l’intérieur desquelles il existe un choc des ambitions ou un manque de candidat naturel majoritairement reconnu. A y voir de plus près, c’est bien le cas dans presque toutes les collectivités locales, mais surtout à Thiès où le plus petit militant se voit déjà « grand responsable » politique.

Toutefois, la bataille de Thiès risque de ne pas avoir lieu, car une entente stratégique locale pour un insoupçonnable bénéfice politique est passée par là. L’entente en question, savoureusement qualifiée de « mburoog-soow »[2], aura été concoctée depuis le palais de la République par le Président Macky Sall et son « grand-frère » Idrissa Seck, par ailleurs, Président du Conseil Économique Social et Environnemental (CESE). Surtout qu’on ne vienne pas me parler de faisabilité ! Faisons d’abord montre de volonté manifeste, et le reste suivra. Ce qui relève aujourd’hui du « politiquement incorrect », c’est bien le parachutage. Dans cette deuxième décennie du 21ème siècle, aucun militant averti n’accepterait qu’une autre instance, fut-elle la première personnalité de la coalition Benno Bokk Yaakaar, choisisse à sa place le maire de sa propre localité. Heureusement que, déjà des voix discordantes se sont faites entendre, pour manifester

[1] Les législatives de 2017 au Sénégal étaient marquées par le nombre de forces en présence, avec 47 listes différentes contre 24 lors des législatives de 2012.

[2] Expression wolof désignant un délectable mélange de morceaux de pain et de lait caillé

leur désaccord. Tout homme politique le sait, être choisi par ses propres camarades à la base, membres du parti en général, et non seulement par la haute instance de l’APR, qui est l’unique structure légitime de ce parti, et encore que …, nous confère un mandat clair et légitimant aux regards de tous.

In fine, pour un parti politique sérieux, il existe trois modes d’élections primaires pour déterminer les candidatures : l’élection par un congrès d’investiture, l’élection par l’ensemble des membres du parti ou « les primaires fermées » et l’élection ouverte à tous les citoyens sans distinction d’appartenance politique ou « les primaires ouvertes ». La première option nécessite d’importants moyens financiers et matériels (transports et hébergement des délégués, location de salle, matériel de reprographie, secrétariat etc) et nécessite une longue préparation. Moins onéreuse que la première, l’élection par l’ensemble des membres du parti ou « les primaires fermées » est à la portée de Benno Bokk Yaakaar (BBY), et elle a l’avantage d’être plus ouverte et plus transparente que la première option. Nous estimons qu’en matière d’élection locale, les représentants des populations doivent être choisis par ces dernières elles-mêmes, et non par l’autorité suprême du parti. L’APR à la base est très bien représentée, avec d’excellents profils, il faut juste savoir séparer la bonne graine de l’ivraie. Beaucoup de candidatures déclarées sont motivées par le prestige de la fonction de maire ou de président de département.

En ce qui nous concerne, la candidature pour la candidature ne nous intéresse pas, et encore moins être candidat pour le prestige de la fonction. Si nous voulons être maire, c’est pour faire changer les choses au bénéfice exclusif des populations.

 

Lamine Aysa Fall

Expert et Consultant en Education et Formation

Spécialiste des questions de Jeunesse

Email. lamineaysa@gmail.com

 

 

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