Contribution – Kédougou : Entre Richesses, Pauvreté et Menaces ( par Mouhamadou DIENG)
Le 15 novembre 2023, le Président de la République était à Kédougou dans le cadre du conseil présidentiel décentralisé.
Il nous a été amené de constater qu’en dépit de son enjeu crucial, la problématique sociale découlant de l’exploitation minière n’a pas été abordée. Récemment, des habitants de Khossanto se sont dressés contre un arrêté préfectoral portant sur la main-d’œuvre locale qu’ils suspectent aller à leur encontre dans le recrutement au niveau des entreprises aurifères. Pareils événements ont également été relevés à Mako, Sabadola, Kharahena, etc.
Le rapport 2021 de l’ITIE nous apprend que la valeur d’or au Sénégal en 2021 est de 390,7 milliards FCFA. Paradoxalement, les habitants de la région aurifère de Kédougou sont privés du minimum social, les plongeant dans une pauvreté aussi extrême et provoquée par un système de gouvernance peu soucieux de l’équité territoriale, alors qu’ils sont pourtant très riches du sous-sol. Le Rapport 2019 des Enquêtes de Suivi de la Pauvreté de l’ANSD nous apprend que le taux d’incidence à la pauvreté dans la région de Kédougou est de 61,9% (soit 07 kédouvins sur 10 sont dans la pauvreté).
À cela s’ajoutent les problématiques environnementale et de santé publique née de l’exploitation minière surtout celle artisanale. Pour tirer profit de la richesse du sous-sol, les habitants s’attèlent à l’usage du mercure et du cyanure pour le traitement de l’or. Et ceci, malheureusement, est source de nombreuses maladies et d’impacts négatifs sur le plan environnemental avec notamment la contamination des nappes, et des plans d’eau dont la falémé, le fleuve Gambie etc. La pollution qui résulte de cette contamination met en péril les espèces et menace la pérennité des activités génératrices de revenus telles que la pêche, le maraîchage et l’agriculture, comme le dit Paulin Maurice Toupane dans son article sur ce sujet.
L’OMS nous enseigne que le mercureHg élémentaire et le méthylmercure ont des effets toxiques sur le système nerveux central et périphérique. L’inhalation de vapeurs de mercure peut également avoir des effets nocifs sur le système nerveux, l’appareil digestif et le système immunitaire, les poumons et les reins, et elle peut avoir une issue fatale. Le ministère de la santé doit également prendre à corps cette problématique de santé publique.
Ceci étant, le ministère des mines et de la géologie doit dans l’urgence accélérer son projet d’installation d’unités de traitement de l’or sans mercure dans les zones minières de Kédougou, afin d’être en conformité avec la convention de Minamata des Nations Unies sur le mercure. Ce projet doit cependant être élargi pour prendre en compte tous les impacts environnementaux de l’exploitation artisanale tels que la déforestation et la dégradation des sols.
Le ministère en charge des mines et celui en charge de l’environnement doivent également travailler de concert pour rendre plus fréquentes et coercitives les inspections et audits pour s’assurer que les exploitations minières industrielles se font en respectant les critères ESG.
Dans un autre registre, avec ce contexte d’insécurité dans la sous-région notamment au Mali, pays frontalier du Sénégal par Kédougou et Tambacounda, l’exploitation artisanale demeure une niche d’insécurité pouvant servir de nids de prolifération des cellules terroristes dormantes, du banditisme et du trafic en tout genre. D’où l’impérieuse nécessité de réduire et de mieux structurer l’exploitation minière artisanale.
Mouhamadou DIENG,
Spécialiste ESG/E&S (Environnement et Social)