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Énergies : Pourquoi le gaz sénégalais peut changer l’Afrique de l’Ouest

Grâce au gaz, dont il va devenir producteur d’ici quelques mois, le Sénégal pourrait prendre une tout autre dimension économique. Avec des retombées directes sur l’ensemble de la sous-région.

Transformation locale quasi inexistante, trop faible création de valeur ajoutée, et donc d’emplois, industrialisation balbutiante… Riche de ses matières premières, qu’elle exporte à l’état brut un peu partout sur la planète, l’Afrique est régulièrement accusée de se contenter du minimum syndical.

Pourquoi la Guinée s’évertue-t-elle à vendre sa bauxite au lieu de l’aluminium qu’elle pourrait produire à partir de ce minerai ? Pourquoi le Gabon exporte-t-il son bois et non les meubles avec lequel ils sont fabriqués en Chine et qu’il est contraint d’importer ? Pourquoi le Nigeria achète-t-il l’essence dont il a besoin alors qu’il est un géant pétrolier ? La réponse est aussi simple que désespérante : parce qu’ils n’ont pas les moyens de faire autrement !

Sans énergie, point de salut

Le problème numéro un du continent, c’est l’énergie. Sans elle, point de salut. Pas d’usines, pas d’industries, pas de transformation locale, pas d’agriculture moderne, etc. Avec, c’est une autre Afrique qui se dessinerait. Et c’est loin d’être une utopie, car les ressources sont immenses : notre continent, c’est plus de 10 térawatts (TW) de solaire, 350 gigawatts (GW) d’hydroélectricité, 110 GW d’éolien, 15 GW de géothermie… Sans parler des hydrocarbures, toujours indispensables à la production d’électricité.
Prenons un exemple concret : grâce au gaz, dont il va devenir producteur d’ici quelques mois, le Sénégal pourrait bien changer de dimension économique. Dans des proportions qui n’ont rien à voir avec les seules recettes directes qui viendront alimenter les caisses de l’État, et donc son budget. Ce gaz peut être un véritable game changer, comme disent les Anglo-Saxons, à condition de voir grand. L’Afrique de l’Ouest tout entière devrait d’ailleurs en profiter. L’ambition du Pays de la teranga de devenir le hub de transformation minière de la région grâce à ses importants gisements gaziers pourrait être un levier de développement socio-économique sans précédent sur le continent.Au-delà de la rente d’exportation de minerais stratégiques et d’hydrocarbures, les pays africains devraient résolument s’inscrire dans la chaîne de valeur industrielle mondiale en tirant profit des opportunités qu’offre la Zlecaf (Zone de libre-échange continentale africaine) par la création d’un nouveau marché intégré intermédiaire. La transformation des ressources minières sur le sol africain est plus que jamais d’actualité dans un contexte de tensions géopolitiques où les cartes sont rebattues en matière d’approvisionnement en gaz naturel pour l’Europe et en fertilisants pour l’Afrique. En outre, l’Afrique de l’Ouest a un double atout : la complémentarité des ressources de son sous-sol (gaz sénégalais, bauxite guinéenne ou fer sierra-léonais) et sa proximité avec l’Europe. 

13 000 milliards de m3 de réserves prouvées en Afrique

Revenons à la bauxite produite en Guinée : elle est vendue au port de Conakry 30 dollars la tonne, alors qu’elle vaut 400 dollars la tonne transformée en alumine et 3 000 dollars la tonne en aluminium. Une multiplication par 100 de sa valeur ajoutée grâce à un processus industriel qui n’a rien de sorcier, pour peu que l’on dispose d’électricité.
Ainsi, au-delà de la rente financière, la transformation de la bauxite en aluminium sur place permettrait d’augmenter la demande en gaz naturel et en électricité, ce qui aurait pour effet de valoriser les réserves en gaz de l’Afrique et ainsi contribuer à l’essor économique du continent. Pour une transformation de 87 millions de tonnes de bauxite jusqu’à l’aluminium, on aurait besoin d’environ 38 centrales à cycle combiné au gaz (CCGT) de 1 GW consommant chacune en moyenne 4,2 millions de m3 par jour de gaz naturel, soit au total près de 161,7 millions de m3 par jour.En étendant à la transformation des autres minerais (fer, or, phosphates, zircon…), la demande énergétique pour la valorisation des ressources naturelles serait forte, mais l’Afrique est en mesure de la satisfaire avec plus de 13 000 milliards de m3 de réserves prouvées de gaz naturel. 

En somme, ce gaz permettra la production d’électricité, donc l’industrialisation, donc la transformation locale, le développement d’une agriculture moins archaïque, mécanisée et aux meilleurs rendements (ce qui rendra possible la production de ce qui est aujourd’hui importé), la production d’engrais (la production de l’urée, synthétisée à partir de l’ammoniac et du dioxyde de carbone, est pratiquement toujours associée à celle du gaz naturel), etc.

Un PIB multiplié par trois en dix ans !

C’est un cercle vertueux inouï qui pourrait profiter au plus grand nombre, en créant les emplois qui absorberont la masse de nouveaux arrivants dans tous les secteurs de l’économie. Et en permettant à l’État de consacrer ses nouvelles ressources à l’essentiel : libérer les laissés-pour-compte du carcan de la pauvreté dont ils sont prisonniers, investir massivement dans l’éducation et la santé.Gérée avec ambition et une vision stratégique la plus large possible, cette manne, d’après certains experts comme Mamadou Fall Kane, le secrétaire adjoint du Comité d’orientation stratégique du pétrole et du gaz sénégalais (COS Petrogaz), peut être un véritable catalyseur. Et multiplier par trois le PIB du pays en dix ans ! À condition de ne pas commettre les mêmes erreurs que la plupart des producteurs africains historiques d’hydrocarbures (Nigeria, Angola, Algérie, Tchad, Gabon, Congo, Guinée équatoriale, etc.) 

Source : JeuneAfrique
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